LA BOÎTE NOIRE DE L’AVIATION

En public, l’industrie aérienne affirme qu’elle veut faire des efforts et réduire son impact sur le climat. Mais en coulisse, elle s’oppose à toute législation visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre des avions.

Pour obtenir des règlementations flexibles, elle parle directement dans l’oreille du Président de la République. Le plus absurde, c’est que l’industrie aéronautique européenne profiterait d’un renforcement des obligations en matière de lutte contre le changement climatique. 

Airbus & Co. : ombre chinoise

Prenons un exemple : une grande entreprise européenne comme Airbus, financée en partie avec de l’argent du contribuable, a réussi à faire capoter une législation européenne votée démocratiquement en 2008. Ces manipulations se font au détriment de l’intérêt général, pour accroître à tout prix les profits de l’aéronautique. Pourtant, Airbus n’est pas en crise. Au contraire, l’entreprise n’a jamais autant vendu d’avions. Sa croissance est alimentée par la demande des pays émergents qui ont besoin d’équiper leur flotte en avions modernes. Airbus bénéfice d’un avantage compétitif certain sur son principal concurrent américain Boeing pour la production d’avions moins énergivores.

A côté d’Airbus, six compagnies aériennes européennes (British Airways, Air France, Virgin Atlantic, Lufthansa, Air Berlin et Iberia) ont décidé de faire front contre l’Union européenne. Selon le Financial Times, ils ont envoyé des courriers aux chefs de gouvernement français, allemand, britannique et espagnol pour alerter sur « les conséquences économiques » de cette taxe : une menace « inadmissible » pour leur secteur. Par ces manipulations, ils ont fait plier la volonté ébranlée des gouvernements. Et ils ont donné un veto à la Chine, qui avait menacé de geler l’achat de 45 Airbus par des compagnies chinoises. Le bien-être de l’humanité vaut-il moins que 45 Airbus ? Tacitement, les gouvernements européens ont accepté ce chantage de la Chine et des avionneurs.

Voir le communiqué du Réseau Action Climat, daté du 13 mai 2013

L’aviation bénéficie encore aujourd’hui d’un statut particulier aux yeux des gouvernements, qui continuent d’y voir un symbole de fierté nationale. Les compagnies aériennes et les constructeurs ont plus que jamais un accès privilégiés aux centres décisionnels, surtout en période de crise où ils menaçent régulièrement de licencier.

En outre, ce qui se négocie sous l’OACI demeure très obscur et la transparence y fait cruellement défaut. Les ONG n’y ont qu’un accès réduit et précaire, tandis que l’industrie aéronautique bénéficie d’une place privilégiée dans ces instances internationales. Cette situation injuste amène aussi à une place dominante des propositions du secteur aéronautiques dans les pourparlers.

Des profits tombés du ciel grâce au marché carbone !

Un rapport publié début 2013 montre que l’industrie aérienne a encaissé en 2012 un profit supplémentaire de 700 millions à 1,36 milliards d’euros grâce au système européen d’échange de quotas de CO2. Cela, sans faire d’efforts et sans raison, et grâce à un surcoût injustifié pour le consommateur. Air France est le deuxième plus gros bénéficiaire de ce système, avec 26 à 51,5 millions d’euros engrangés, même si la compagnie affirme le contraire. Or, ce sont les principaux profiteurs de ce système qui, entre 2011 et 2012, se sont opposés sans relâche à l’instrument européen de protection du climat.  

Ce rapport de l’ONG Transport & Environment et du bureau d’études CE Delft révèle que les compagnies aériennes ont appliqué pendant l’année 2012 des conditions tarifaires plus élevées aux voyageurs. Elles leur ont transféré tout ou partie du surcoût représenté par l’achat de droits à polluer, en prévision de leur inclusion dans le marché européen des quotas en 2013. 

Sauf qu’entre temps, la Commission européenne a proposé de suspendre pendant un an l’application de cette mesure aux vols extra-communautaires. Cette décision a allégé considérablement le coût de la mesure pour les compagnies aériennes ! 

En outre, les compagnies aériennes ont transféré ce coût au consommateur sur tous leurs vols, alors même que 85% de leurs droits à polluer sont reçus gratuitement ! Malgré les demandes répétées de la société civile, les compagnies n’ont pas rendu un centime de cet argent qui ne leur appartient pas.