Un accord mondial à l’assemblée de l’OACI en septembre 2013
L’instance de l’ONU chargée d’édicter les règles du ciel ne tient sa réunion plénière qu’une fois tous les 3 ans. La prochaine est prévue en septembre de cette année. L’occasion de pour les gouvernement de conclure quinze ans de négociations sur un mécanisme de réduction des émissions dans l’aviation ! Mais encore faut-il qu’ambition politique et prise en compte de l’intérêt général soit au rendez-vous.
En novembre 2012, l’OACI a relancé les réflexions sur les mesures à prendre par l’aviation civile au niveau mondial pour lutter contre le changement climatique. Un groupe de travail à haut niveau a été constitué à cette fin. Il a réunit 17 pays, dont la France, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, l’Inde et la Chine. La France était y représentée non pas par les services du ministère de l’Ecologie en charge des questions climatiques, mais par les services de l’aviation civile ! Parmi les sujets discutés par ce groupe de travail : un cadre commun pour l’instauration de mécanismes de marché, comme les systèmes d’échanges de quotas d’émissions de gaz à effet de serre. Les experts ont proposé une ébauche de résolution, dans laquelle subsiste encore de nombreux points de désaccord entre pays.
Aujourd’hui, il est impensable que le secteur aérien échappe à toute contrainte et ne participe pas à l’effort mondial de lutte contre le changement climatique. Le potentiel d’atténuation de l’aviation ne se limite pas aux mesures d’efficacité énergétique étudiées par l’industrie. La tarification des émissions de CO2 de l’aviation internationale, à travers un mécanisme sous l’OACI, est une solution dont le monde ne peut se passer . Cette tarification peut être appliquée de manière juste et équitable, au plus vite et avant 2020. Un accord mondial représente aussi la solution idéale car il permet d’éviter que certaines compagnies aériennes aillent s’installer ailleurs et profitent en « passagers clandestins » de règlementations strictes appliquées à d’autres. Pour des entreprises du secteur de l’aviation, ce serait un comble !
Sans réduction du rythme des émissions mondiales de l’aviation avant 2020, il deviendra quasiment impossible de limiter le réchauffement climatique à moins de 2°C, seuil au-delà duquel des conséquences catastrophiques sont à craindre. Et il faut que les émissions de l’aviation commencent à baisser très rapidement après 2020.
« Lors de l’Assemblée générale de l’OACI en septembre, les pays doivent adopter un mécanisme économique pour que l’aviation paye enfin pour sa pollution. »
Préserver l’inclusion de l’aviation dans le système européen de quotas d’émissions de CO2
La suspension de l’application du système européen de permis d’émissions de CO2 aux vols extra-communautaires n’est valable qu’un an, le temps qu’un début d’accord puisse être trouvé non plus au niveau européen, mais au niveau mondial. A l’issue de la réunion plénière de l’OACI en septembre 2013, l’Union européenne devra décider si les résultats sont suffisamment satisfaisant pour qu’elle maintienne cette suspension, ou bien qu’elle réinstaure son mécanisme régional.
En cas de succès en septembre à l’OACI, l’Europe pourra imposer des droits à émettre aux compagnies aériennes décollant et atterrissant sur son sol.
En cas d’échec, nous demandons à l’Europe de ne pas baisser les bras. Instaurer un prix sur la pollution du secteur aérien était une décision politique courageuse, ayant à coeur l’intérêt des citoyens. Il est indispensable que le système soit rétabli. Si l’Europe ne démontre pas un certain volontarisme, elle donne un droit de veto sur sa politique intérieure à la Chine, à l’Inde et aux Etats-Unis.
«L’avenir du système européen est menacé. Maintenir un prix sur les émissions de CO2 générées par les vols au départ et à l’arrivée de villes européennes doit être une priorité pour nos gouvernements. Un retour en arrière serait incompréhensible pour l’opinion publique.»
En plus du marché carbone européen, d’autres mesures sont possibles pour limiter l’impact de l’aviation européenne sur le climat. Aujourd’hui, la règle en vigueur est que les billets d’avion pour des vols européen sont exonérés de TVA. Cette exonération constitue une subvention indirecte faite à l’aviation, au détriment d’autres objets de consommation. Les instances européennes devraient supprimer cette exonération et soumettre les vols au départ de l’Europe à la TVA sur les billets d’avion à l’occasion de la révision à venir de la directive européenne TVA de 2006.
Au niveau français, des cadeaux fiscaux pour quoi ? Pour qui ?
Pour le Réseau Action Climat, le gouvernement et les parlementaires peuvent concilier justice sociale et transition énergétique en décidant de supprimer les subventions à la pollution rejetée par les avions, dès le projet de loi de finance 2014.
En France, l’avion bénéficie de multiples privilèges fiscaux :
Les voyageurs issus de classes aisées
Plus de la moitié des vols est effectuée par des cadres et professions intermédiaires.
80% des voyageurs réguliers en avion appartiennent aux catégories socio-professionnelles supérieures.
Les ménages défavorisés ne prennent pas l’avion, ou très peu.
Seulement 2% des ouvriers ont pris l’avion au cours des 12 derniers mois.
Chiffres Insee, DGAC
Ces avantages ont été instaurés dans les années 1940 pour favoriser l’essor de l’aviation, alors que les ressources naturelles et énergétiques paraissaient infinies. Le maintien de ces avantages semble aujourd’hui inconcevable dans un contexte de crise climatique, de crise budgétaire, de crise sociale et alors que le gouvernement souhaite enclencher la transition énergétique.
L’exonération de taxe sur le carburant utilisé dans les vols nationaux, fret et passagers, constitue une inégalité de traitement très forte par rapport aux autres modes de transports qui restent pourtant bien moins polluants.
Ces cadeaux fiscaux ne sont pas empreints de justice sociale puisqu’ils bénéficient en premier lieu aux voyageurs professionnels qui effectuent près de la moitié des vols domestiques pour des séjours très courts, et plus largement, aux classes aisées qui prennent l’avion plus souvent que les catégories sociales dont le revenu est en-dessous de la moyenne. Résultat, le trafic aérien au niveau domestique est en constante progression alors que le secteur des transports doit réduire d’ici 2020 de 20% ses émissions.
En outre, la construction d’infrastructures de transport aérien répond rarement à un besoin, mais plus à une logique de compétition territoriale. Parce qu’il n’y pas de principe pollueur payeur dans l’aviation aujourd’hui, il est fréquent qu’un élu local veuille son aéroport, sa piste d’atterrissage, etc. A ce titre, le projet d’aéroport de Notre Dame des Landes est éloquent : il est encore sur la table alors qu’il a été conçu il y a des dizaines d’années, à une époque et par des personnes qui pensaient le monde et les ressources naturelles comme infinies. Le problème, c’est que c’est le contribuable qui paie la facture à la fin. La transition énergétique est déjà en route en Europe. Par cette transition, l’Europe s’éloigne des énergies fossiles comme le pétrole, le charbon et le gaz, abandonne l’illusion du nucléaire, et se tourne vers plus d’énergies renouvelables et d’efficacité. Dans ce contexte, continuer à exonérer l’avion aux frais du contribuable, et investir 500 millions d’euros dans la construction d’un nouvel aéroport en France, c’est absurde !
Les solutions en France
Taxer le kérosène utilisé dans l’aviation
Si la Convention internationale de Chicago prévoit l’exemption totale de taxe sur le carburant utilisé dans les vols internationaux, elle n’interdit pas la taxation du carburant au niveau domestique ou intra-européen. Au sein de l’Union européenne, les Pays Bas ont déjà mis en place une taxe sur le kérosène utilisé sur les vols domestiques. D’un point de vue concurrentiel au sein du secteur, la taxe ne crée pas de distorsion significative puisque l’aviation est non délocalisable.
En France, l’exonération de TICPE sur le kérosène a pour effet de diminuer de 12 à 14% les prix des billets d’avions, selon le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales (2011). En raison d’une élasticité-prix du transport aérien domestique de -1, cette subvention a pour effet d’augmenter de 14% le trafic aérien de intérieur de métropole. Cela représente plus de 500 millions d’euros de manque à gagner pour le budget de l’Etat chaque année! Autant d’argent qui pourrait permette d’investir et de développer les alternatives…
Imposer un taux normal de TVA sur les billets d’avion
Les billets d’avions nationaux sont actuellement taxés au taux réduit de TVA de 7%, l’un des taux les plus bas parmi les pays ayant soumis les billets d’avion à la TVA sur leur territoire. Alors que la loi de finance prévoit pour 2014 un aménagement des produits et services soumis aux différents taux de TVA, le gouvernement et les parlementaires français doivent revoir leur copie pour taxer au taux normal de TVA les billets d’avions nationaux et à un taux réduit les transports publics.
Instaurer une taxe sur les billets d’avions
Les Etats membres de l’Union européenne ont le droit d’instaurer une taxe sur les billets d’avion, s’ils le souhaitent. Le Président de la République Jacques Chirac avait instauré une taxe de solidarité sur les billets d’avions pour aide le développement de politiques de santé dans les pays en développement. Le taux de cette taxe est compris entre 1€ sur les vols domestiques et 40€ sur les vols internationaux en classe Affaires. De la même façon, l’actuel gouvernement pourrait mettre en place une taxe sur les billets d’avion pour contribuer au financement des politiques de réduction d’émissions et d’adaptation au changement climatique dans les pays en développement.
Cesser de subventionner les aéroports, ainsi que les nouveaux projets
Au nom de l’intérêt économique et du développement régional, les aéroports et compagnies aériennes notamment low cost sont largement subventionnées pour permettre le maintien de l’activité et de développer de nouvelles lignes aériennes.
De même l’Etat et les collectivités territoriales sont souvent engagés dans le financement de nouvelles infrastructures ou du développement d’aéroports existants. Or, tout nouveau projet d’infrastructure aéroportuaire représente aujourd’hui un énorme gaspillage financier et environnemental puisqu’il crée un appel d’air, en stimulant le trafic aérien au détriment des alternatives, quand il ne s’avère pas tout simplement inutile.
Le montant des fonds publics accordés au projet de Notre-Dame-des-Landes équivaut à lui seul, aux deux-tiers des subventions accordés dans le cadre du dernier appel à projet pour les transports collectifs (300 millions d’euros), alors même que le nouvel aéroport générera à terme 3 millions de tonnes de CO2 supplémentaires par rapport au maintien de l’aéroport existant, soit l’équivalent des émissions produites par les habitants d’une ville comme Strasbourg en un an !